Les bactéries sont des mouchardes

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Les bactéries sont des mouchardes

Des chercheurs de l’université de Houston, aux Etats-Unis, viennent de recevoir 300 000 dollars de crédits de la part de l’Institut national de la Justice américaine pour étudier le comportement des bactéries dans un corps en décomposition. Peu ragoûtante, cette recherche n’en est pas moins cruciale ! De la même façon que les insectes colonisent chronologiquement un cadavre selon un ordre bien précis, les bactéries feraient-elles de même ? Si oui, cela permettrait de déterminer avec davantage de précision encore l’heure de la mort, élément clé de la plupart des enquêtes.

Cette datation est habituellement rendue possible – avec une marge d’erreur importante- grâce à différents paramètres de température corporelle et de rigidité musculaire selon un processus extrêmement complexe et encore mal connu.  Les insectes, eux, ne sont pas toujours présents. Mais les bactéries, si ! Car chacun d’entre nous en héberge naturellement des milliards, 500 000 milliards d’entre elles ayant été dénombrées. Pourraient-elles se transformer en autant d’indics au service de la police scientifique ? « Notre modèle de recherche s’intéresse effectivement aux bactéries déjà présentes dans l’organisme, précisent Sibyl Bucheli et Aaron Lynne, respectivement entomologiste et spécialiste de microbiologie moléculaire à l’université de Houston. Elles évoluent peut-être après le décès, les paramètres physico-chimiques changeant au fur et à mesure de la décomposition. » Techniquement, ces bactéries sont identifiées par des méthodes de biologie moléculaire, en particulier par séquençage de l’ARN (acide ribonucléique) bactérien.

Les recherches devraient durer trois ans, et concerner plus de 5 000 échantillons. Mais où trouver les cadavres nécessaires à ces expérimentations ? Pour ce faire, les chercheurs utiliseront les services très particuliers de la « ferme des corps » de l’Institut de police scientifique de l’université du Texas, l’une des quatre institutions de ce genre aux Etats-Unis et qu’a si bien décrites Patricia Cornwell dans son thriller « La Ferme des Corps », s’inspirant de celle du Tennessee. Là, les scientifiques ont directement accès aux cadavres de personnes ayant volontairement fait don de leur corps pour ces recherches spécifiques. Les experts peuvent ainsi réaliser des expériences dans toutes les conditions possibles, les plus proches des véritables scènes de crime (en extérieur, sous la pluie, à la chaleur, etc…)

D’autres recherches sont actuellement conduites sur les bactéries en vue de mettre au point des outils d’identification à la disposition de la police scientifique. C’est notamment le cas au Colorado, aux Etats-Unis, où des chercheurs ont mis en évidence en 2010, la présence sur l’ensemble de notre peau de micro-organismes « personnalisés ». Notre corps est en effet couvert de communautés bactériennes différentes d’une zone à l’autre, mais surtout,  propres à chaque individu. Résultat : nous laissons sur tous les objets que nous touchons notre propre signature bactérienne. Les paumes de deux personnes différentes n’auraient ainsi que 13% de bactéries en commun, comme le soulignait l’article paru à l’époque dans les Proceedings of the National Academy of Sciences. Celles-ci étant assez résistantes pour vivre environ  deux semaines à température ambiante, c’est une véritable carte d’identité que pourrait lire les experts lors d’analyses d’échantillons prélevés sur des scènes de crime !  A condition de disposer d’un « Fichier des bactéries », à l’instar du Fichier des empreintes génétiques aujourd’hui en vigueur notamment en France, ce qui relève encore de la science fiction…

Par Carole Chatelain @carolechatelain pour le blog sciencesetavenir.fr

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