Les vrais jumeaux ont-ils les mêmes empreintes ?

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En 1892, Francis Galton, cousin de Charles Darwin, calcula la probabilité que deux personnes aient les mêmes empreintes digitales. Elle est infinitésimale : une chance sur 64 milliards. Ces empreintes, nommées dermatoglyphes, sont utilisées à des fins d’identification depuis des millénaires. Dans les royaumes babyloniens comme en Chine antique, les empreintes digitales ou palmaires servaient de signature sur les documents officiels. On savait déjà que l’identité biométrique d’une personne réside dans ces dessins si particuliers.

Mais les vrais jumeaux, qui ont le même patrimoine génétique, ont-ils les mêmes empreintes ?

L’agencement des empreintes digitales soulève un paradoxe : leur forme est spécifique d’un individu, mais elles se ressemblent beaucoup dans leurs structures. En effet, on définit trois motifs partagés par 95 pour cent de la population : la boucle (60 pour cent des cas), la spirale (30 pour cent des cas) et l’arche, plus rare (5 pour cent des cas). Les cinq pour cent restants appartiennent à une catégorie plus complexe d’agencements avec de multiples boucles.

Les dermatoglyphes se dessinent très tôt au cours du développement embryonnaire. L’extrémité des doigts s’individualise dès la septième semaine de gestation. Des « coussins » digitaux deviennent proéminents vers la 10esemaine. C’est dans ces structures en forme de coussinet que s’établissent les sillons et les arêtes des empreintes digitales, entre la 10e et la 16e semaines. Ces sillons résultent d’une ondulation progressive de la lame basale de l’épiderme, la structure embryonnaire de soutien du futur épiderme. Les contraintes physiques engendrées dans cette structure par les tissus qui se développent provoquent une réorganisation des couches cellulaires internes de l’épiderme en formation qui aboutissent à un plissement du tissu en surface. À 24 semaines, la géométrie des empreintes est fixée définitivement pour toute la vie de l’individu, et les seules déformations qui se produisent ensuite viennent de la croissance des doigts.

L’expression de gènes spécifiques guide la formation globale des structures digitales et la différenciation coordonnée des types cellulaires. Si les gènes sont les architectes des dermatoglyphes, alors les vrais jumeaux, dont le patrimoine génétique est identique, devraient avoir les mêmes empreintes…

Mais ce n’est pas le cas. Bien que la comparaison des empreintes de deux vrais jumeaux révèle une grande similarité, une analyse plus poussée montre des disparités.

Des pressions externes

En fait, le facteur déterminant le modelage des empreintes est l’environnement auquel est exposé le fœtus au cours du développement des doigts. Les forces de frottement des doigts en cours de formation sur divers éléments, tels le liquide amniotique et les structures utérines, modifient le développement des empreintes. Or ces contraintes externes sont différentes d’un fœtus à l’autre.

empreintes digitales police scientifiqueDe même, la formation osseuse sous-jacente (la taille et la vitesse de croissance de l’os), le suçage du pouce in utero et les mouvements des mains modèlent l’épiderme. L’influence environnementale sur la formation des empreintes ne se limite pas à ce qui se produit dans la cavité utérine ; l’environnement extérieur joue un rôle majeur. On a montré que, quand la mère subit un stress environnemental, la formation des dermatoglyphes peut être altérée, via une cascade de signaux reposant sur des réactions biochimiques transmises de la mère au fœtus et qui peuvent modifier l’expression des gènes.

Par exemple, plusieurs études suggèrent que des stress chimiques (l’exposition à des agents toxiques, l’alcool), biologiques (des infections virales ou bactériennes) ou phy­siologiques (l’hypertension, le manque d’oxygène), mais aussi psychologiques, augmentent l’altération des dessins digitaux (interruption des crêtes, arête dédoublée).

À ce titre, les empreintes digitales peuvent être considérées comme des marques indélébiles de ce qui s’est produit au cours du développement entre la 10e et la 24e semaines de gestation. Cette période intéresse les spécialistes du développement cérébral, car c’est à ce moment-là que migrent les neurones qui vont former le cortex cérébral. Or, dans certaines pathologies psychiatriques telle la schizophrénie, des études ont montré qu’il existe un lien entre les anomalies des em­preintes et une susceptibilité accrue vis-à-vis de la maladie. Pour de vrais jumeaux, on a montré que l’un des deux souffrant de schizophrénie présentait des empreintes digitales anormales alors que son jumeau, non malade, avait des empreintes normales. Les dermatoglyphes serviraient d’indicateurs sur l’exposition éventuelle du fœtus à un environnement délétère.

SOURCE : http://www.pourlascience.fr/

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