Lorsque le domaine des sciences forensiques est évoqué au sein des forces de l’ordre, le terme le plus récurrent est celui de “police scientifique”.
Mais ne nous y trompons pas, la “police scientifique” est une discipline exercée aussi bien dans la police nationale que dans la gendarmerie nationale. Il est donc possible d’exercer un des métiers de la police technique et scientifique tout en étant gendarme. Les missions de la police scientifique au sein des deux forces sont les mêmes. Il existe cependant quelques différences en termes d’organisation, mais aussi de recrutement.
Dans le présent article, nous allons vous présenter les différents acteurs de la police scientifique à travers l’organisation de la PTS dans la gendarmerie, et s’intéresser aux conditions de recrutement.
Pour bien comprendre le rôle des différents gendarmes assurant des missions de police scientifique, nous allons tout d’abord découvrir comment sont organisés les maillons de la chaîne criminalistique dans la Gendarmerie.
I- La police technique et scientifique dans la Gendarmerie: un dispositif à trois niveaux
La chaîne criminalistique de la gendarmerie implique de nombreux acteurs participant à la manifestation de la vérité en réalisant des actes de police technique et scientifique.
Tous ces acteurs sont recrutés avant tout en qualité de gendarmes, qu’ils soient gendarmes adjoints volontaires (GAV), sous-officiers de gendarmerie (SOG) ou officiers de gendarmerie (OG).
I-1- Qu’est-ce que la chaîne criminalistique ?
On parle de “chaîne”, car il existe plusieurs maillons complémentaires qui participent à la résolution des enquêtes judiciaires.
Prenons un exemple (un peu simplifié) : une arme à feu découverte sur une scène d’infraction sera photographiée, prélevée et placée sous scellés -premier maillon-, puis elle pourra faire l’objet de recherche de traces papillaires et de prélèvements biologiques -deuxième maillon-. Les traces papillaires et biologiques seront exploitées -deux autres maillons- et des travaux balistiques seront réalisés -dernier maillon-.
Chaque maillon de cette chaîne implique différents gendarmes spécialisés dans le domaine de la PTS. Le nombre de maillons mobilisés lors d’une enquête judiciaire dépend de l’infraction et des travaux à réaliser.
I-2 – Quels sont les trois niveaux de la chaîne criminalistique en gendarmerie ?
Le niveau élémentaire est constitué de plusieurs milliers de gendarmes qui exercent cette spécialité – sur une partie de leurs missions seulement – dans les brigades territoriales autonomes et les communautés de brigades. Ces personnels peuvent être amenés à effectuer des missions de PTS ou des actes spécialisés dans le domaine des technologies numériques.
Le deuxième niveau est départemental et comprend des centaines de gendarmes spécialisés qui exercent – à temps complet- dans leur spécialité de policier scientifique en tant que Technicien en Identification Criminelle, spécialiste du numérique (N-Tech) ou analyste criminel (logiciel ANACRIM). Dans chaque département, ils sont regroupés dans une cellule en identification criminelle (CIC). Ce niveau peut devenir régional lorsqu’un coordinateur des opérations de criminalistique (COCrim) apporte son soutien pour les affaires les plus complexes.
Le troisième niveau, national, correspond aux gendarmes exerçant au PJGN (pôle judiciaire de la gendarmerie nationale) où sont rassemblés de nombreux experts dans diverses disciplines. Le PJGN est constitué du SCRC (Service Central de Renseignement Criminel de la gendarmerie nationale) et de l’IRCGN (Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale).
Nous allons à présent nous intéresser plus précisément à chaque maillon de la chaîne criminalistique et aux gendarmes spécialisés en PTS qui y jouent un rôle.
II- Les TICP et les P-Ntech : les gendarmes spécialisés en PTS au niveau local
II-1- Quelles sont les missions des Techniciens en Identification Criminelle de Proximité (TICP) ?
La délinquance du quotidien, souvent appelée “délinquance de masse” correspond à certains délits comme les cambriolages, les dégradations, les vols à la roulotte etc.
Environ 8000 gendarmes sont formés à effectuer des actes de police scientifique dans le cadre de ces infractions les plus courantes. Il s’agit des TICP (Techniciens en Identification Criminelle de Proximité).
Affectés en BTA (brigade territoriale autonome) ou en COB (communauté de brigades), ils ont suivi une courte formation leur permettant de procéder à des recherches simples de traces et indices, comme des recherches de traces papillaires au moyen de poudre dactyloscopique ou des prélèvements de traces biologiques. Ils sont formés à la préservation de l’intégrité des scènes d’infraction et à la réalisation de clichés photographiques afin de fixer les lieux.
Ils procèdent également aux signalisations des mis en cause (photographies, relevé d’empreintes digitales et palmaires ainsi que prélèvement d’ADN dans certains cas). Cliquer ici pour découvrir le témoignage d’un TICP.
II-2- Comment devenir TICP ?
Les TIC de proximité sont généralement des GAV (gendarmes adjoints volontaires) ou des SOG (sous-officiers de la gendarmerie).
Pour devenir TICP, il faut donc tout d’abord intégrer la gendarmerie en devenant GAV ou en obtenant le concours de sous-officier de gendarmerie (SOG).
Puis, il faut suivre une formation de quelques jours pour apprendre les bases de la PTS et assurer les missions décrites ci-dessus.
II-3- Qui sont et quel est le rôle des P-NTech ?
Les P-NTech (Ntech de proximité) sont des gendarmes praticiens du numérique qui peuvent procéder aux analyses simples dans le domaine du numérique, en exploitant des téléphones ou des ordinateurs.
Ils peuvent ainsi apporter des réponses rapides dans les cas ne nécessitant pas une analyse poussée des traces technologiques.
II-4- Comment devenir P-NTech ?
Le principe est le même que pour les TICP, à savoir que les P-Ntech sont avant tout des gendarmes, qui peuvent obtenir cette qualification en suivant une formation courte pour pouvoir réaliser les actes de base de la PTS dans le domaine des traces technologiques.
III- Au niveau départemental : les gendarmes ayant une spécialisation poussée dans les domaines de la PTS
Il existe de nombreux gendarmes spécialisés dans divers domaines de la PTS, regroupés au niveau départemental dans une CIC (cellule en identification criminelle). Nous allons présenter principalement deux types de spécialités : les Techniciens en Identification Criminelle (TIC) et les NTECH.
III-1- Quelles sont les missions des Techniciens en identification criminelle (TIC) ?
Deuxième maillon de la chaîne criminalistique, les TIC interviennent lors d’infractions de petite et moyenne délinquance, mais également pour les infractions délictuelles ou criminelles les plus graves comme les vols à main armée, les viols ou les meurtres.
Il s’agit de spécialistes qui interviennent directement sur les scènes d’infraction pour assurer la fixation des lieux et procéder aux recherches de traces et indices. Ils sont dotés de matériel de pointe que les TICP n’ont pas à disposition.
En plus d’intervenir sur le terrain, les TIC travaillent également au sein d’un “plateau technique” (un plateau technique par département). Il s’agit d’un laboratoire dédié à la révélation de traces papillaires sur des objets au moyen de procédés de révélation physico-chimiques. De même que dans la police nationale, les laboratoires de la gendarmerie nationale sont accrédités par le Cofrac. Les TIC sont donc des personnels qualifiés formés à la mise en application de protocoles stricts dans le respect de la norme ISO 17025 (norme internationale pour les laboratoires d’étalonnage et d’essais).
Pour en savoir plus sur les TIC cliquez ici
III-2- Comment devenir Technicien en identification criminelle ?
Pour devenir technicien en identification criminelle, il faut tout d’abord être sous-officier ou officier de gendarmerie (SOG ou OG).
Le site officiel de la gendarmerie précise que des postes de TIC sont accessibles dès la sortie d’école de gendarmerie, mais qu’une première expérience du terrain et de solides connaissances en matière de procédure pénale sont recommandées.
En effet, dans la pratique, les gendarmes accédant à un poste de TIC ont généralement plusieurs années d’expérience. D’autant plus qu’un pré-requis pour devenir TIC est d’obtenir la qualification d’OPJ (officier de police judiciaire). Précisons tout de même que le terme “officier” dans OPJ peut être trompeur : il n’y aucun lien avec le grade, un sous-officier pouvant très bien être officier de Police Judiciaire.
III-3- Quelles sont les missions des NTech ?
Les Ntech possèdent la formation et le matériel leur permettant d’exploiter les supports numériques tels que les smartphones, ordinateurs, supports de stockage (disques durs, mémoire d’une console de jeux vidéo, etc.)
Ils peuvent non seulement extraire des données numériques, mais plus intéressant, les logiciels à leur disposition permettent de procéder à des analyses, de décoder des mots de passe ou de reconstituer des données effacées.
Mais le Ntech n’est pas seulement un technicien. Il est avant tout un enquêteur, et doit avoir la qualification d’OPJ. Il procède à des actes d’enquête sur Internet, oriente les réquisitions auprès des opérateurs téléphoniques ou des webmasters etc.
III-4- Comment devenir Ntech ?
A l’instar des TIC, les Ntech sont des gendarmes avant tout et doivent obligatoirement être OPJ. Lorsqu’ils obtiennent la possibilité de devenir Ntech, ils suivent une formation universitaire de quatorze mois. Cette période correspond à une licence professionnelle en alternance entre des périodes d’enseignement à l’université et des périodes en unité.
IV- A l’échelon national : le PJGN (Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale)
Avant de découvrir l’échelon national de la chaîne criminalistique, précisons tout de même que dans certaines situations, des coordinateurs des opérations de criminalistique, appelé COCrim, peuvent apporter son soutien aux TIC.
Ils jouent le rôle de conseil auprès du directeur d’enquête et des magistrats et sont également le relai entre eux et les spécialistes de l’IRCGN pour orienter les examens en laboratoire.
Il y a un peu plus d’une centaine de COCrim en France, qui sont généralement affectés en BDRIJ (Brigade Départementale de Renseignements de d’Investigations Judiciaires) ou en SR (Section de Recherche).
Les TIC expérimentés peuvent accéder à la formation universitaire de COCrim.
IV-1- Qu’est-ce que le PJGN ?
Le PJGN, situé à Pontoise depuis son déménagement en 2015, comprend l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) et l’administration et le soutien.
Composé d’environ 600 gendarmes ce Pôle est dédié à la criminalistique et l’intelligence judiciaire (i.e. le renseignement au service de l’enquête).
Dans cet article, nous allons nous concentrer sur la présentation de l’IRCGN.
IV-2- Qu’est-ce que l’IRCGN (Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale) ?
L’IRCGN est un institut de sciences forensiques créé en 1987, suite à l’affaire Grégory, qui a mis en lumière la nécessité de faire monter en puissance les capacités d’investigations criminelles de la Gendarmerie.
Il était situé jusqu’en 2015 à Rosny-sous-Bois, puis a déménagé à Pontoise.
L’IRCGN regroupe des divisions spécialisées dans différents domaines scientifiques permettant la recherche de la vérité scientifique au cours de la procédure pénale. Des scientifiques de haut niveau travaillent dans des laboratoires dotés de technologies de pointe. L’IRCGN comprend quatre divisions regroupant plusieurs spécialités scientifiques et trois services permettant l’analyse des données, l’exploitation rigoureuse des scellés ainsi que la garantie d’une traçabilité des dossiers.
Pour plus de détails sur les divisions et services de l’IRCGN, rendez-vous sur le site de la gendarmerie ici.
Il est important de préciser que l’IRCGN ne comprend pas uniquement des laboratoires. En effet, des personnels spécialisés hautement qualifiés constituent une unité de terrain : l’U2I (l’unité d’investigations et d’identification).
Lorsqu’une scène criminelle complexe ou une scène de catastrophe nécessite d’importants moyens matériels et des personnels très spécialisés, l’U2I peut être projeté rapidement sur tout le territoire national.
Deux unités constituent l’U2I : l’UGIVC (unité gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes) et l’UNIC (unité nationale d’investigation criminelle).
L’UGIVC intervient sur des catastrophes ayant entraîné de nombreuses victimes, comme le crash aérien de la Germanwings de 2015.
IV-3- Comment travailler à l’IRCGN ?
Les personnels de l’IRCGN sont des personnels civils et militaires.
Pour travailler en tant que gendarme à l’IRCGN, il est possible de passer le concours d’officier ou de sous-officier, puis d’obtenir un poste à l’institut.
Comme nous l’avons vu précédemment pour les TIC, il est possible d’intégrer l’IRCGN en sortie d’école de la gendarmerie nationale. Mais le cas le plus courant est de le faire après quelques années d’expérience, par le biais des mutations.
Un nouveau concours a également vu le jour en 2021 : le concours d’OGS : officier de gendarmerie scientifique.
Pour en savoir plus sur ce concours, rendez-vous ici
Sans être militaire, il est possible de postuler à l’IRCGN en tant que personnel civil. Cela nécessite un haut niveau de connaissances scientifiques correspondant à l’une des divisions de l’IRCGN.
Nous avons fait un tour d’horizon de la police scientifique dans la gendarmerie nationale, ainsi que de ses acteurs.
Nous avons pu découvrir que pour travailler dans la PTS en gendarmerie, il faut dans beaucoup de cas être gendarme avant tout, puis se spécialiser après quelques années.
Il est possible de passer le concours de sous-officier de la gendarmerie en ayant au moins 17 ans et en étant titulaire du baccalauréat.
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