Criminalistique

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Tout le monde a déjà entendu parler de criminalistique. Il arrive même souvent que l’on confonde des termes comme criminologie et criminalistique.
Mais alors qu’est ce que la criminalistique ? Et pour écarter la confusion, en quoi est-elle différente de la criminologie ?

La criminologie est l’étude scientifique de la nature, des causes, du développement et du contrôle criminel à la fois d’un point de vue individuel et social.
La criminalistique quant à elle, est l’ensemble des techniques (scientifiques) utilisées par la Justice pour établir la preuve d’un acte criminel et en identifier l’auteur.
C’est de cette façon que sont définis généralement ces deux termes.

On a une tendance naturelle à dire que la criminologie est plutôt une science humaine, tandis que la criminalistique est une science plutôt dure.
Cette différence n’est pas si claire. La criminologie bien que science humaine, utilise des outils scientifiques comme la statistique, la probabilité et l’ensemble des outils mathématiques mis en œuvre pour son application.
La criminalistique quant à elle contient dans son champ une partie de sciences humaines, car le fait criminel ne peut se définir en dehors d’une approche sociologique et psychologique.
La nature exacte de la criminalistique est compliquée à établir pour une raison précise : la notion de « fait criminel » . Cette notion qui transforme une action, définie comme un ensemble d’intéractions, en crime.

En droit, il est communément admis qu’une infraction est la réunion d’un élément légal, d’un élément matériel et d’un élément moral.
L’élément légal peut se résumer comme étant un seuil qui détermine l’acceptation d’un acte par la société. En d’autres termes, l’élément légal pose le socle de ce qui est admis et de ce ne l’est pas, en fonction de la sociologie et des us et coutumes d’une population. Ce qui est illégal dans un pays, peut tout à fait être légal dans un autre et les exemples ne manquent pas. En partant de ce postulat, le fait criminel peut différer en fonction de la société dans laquelle on se trouve.

Une infraction peut être réelle, si il y a un ensemble d’actions permettant de la rendre tangible, d’où l’introduction de l’élément matériel qui est en quelque sorte l’action criminelle à proprement parler, son déroulement et la causalité qui traduit la commission du fait criminel. Cet élément est intrinsèquement lié à l’élément légal, car c’est le corpus législatif qui définit réellement que la réunion de telle ou telle action, est constitutive d’une infraction.
Enfin, pour établir la véracité d’un fait illégal, il faut prendre en compte un élément moral. L’élément moral peut se résumer en l’intentionnalité . Un individu qui commet un fait criminel doit être conscient de le commettre . Cet élément est le plus compliqué à déterminer car il se compose d’une multitude de facteurs à prendre en compte pour la plupart difficilement quantifiable, car liée à la psychologie, la sociologie et l’anthropologie humaine.

Résumer la Criminalistique en une science brute reviendrait à nier la dimension empirique du fait criminel.

La criminalistique a pour but de traiter des éléments permettant à la Justice de juger une action sur une base la plus neutre et la plus fiable possible. Mais l’objet d’étude de la criminalistique et son champ ,font que par nature, elle est difficilement définissable comme une science à proprement parler.
La criminalistique n’existe que quand elle est mise en œuvre.
La biologie est la biologie, la chimie est la chimie, la physique est la physique. La criminalistique est la biologie utilisée dans un but légal, elle est la chimie utilisée dans un but légal, elle est aussi la physique appliquée dans un but légal.
La criminalistique est de la criminologie appliquée et nous pouvons même affirmer que le droit pénal est de la criminalistique.

En somme, la criminalistique doit sa naissance et son essor à l’ensemble des disciplines qui la composent. La criminalistique est l’application concrète de l’ensemble de la connaissance humaine, dans un seul but: la manifestation de la vérité.

“La vérité est que nul ne peut agir avec l’intention que suppose l’action criminelle, sans laisser des traces multiples de son passage”

Cette phrase rendue célèbre par Edmond Locard dans les années 1920 est à la base de la criminalistique moderne. C’est en fait le postulat de départ de la théorie des échanges. On peut résumer cette théorie à : toute action laisse une trace. Le travail de Locard se porte sur la gestion de la scène de crime, et par ce principe, n’importe quelle action laisse une trace qui pourra être remarquée et étudiée.
Locard ne considère pas la Criminalistique comme une science à proprement parlé, d’ailleurs il préfère employer le terme de police technique que celui de police scientifique. Son principe de l’échange est par nature emprunt d’une dimension empirique, car il suppose en sous texte que l’intentionnalité conditionne la trace.

On sait que l’intentionnalité n’est pas la condition qui laisse la trace, mais on suppose que l’intentionnalité est le guide qui va permettre aux enquêteurs et aux spécialistes en criminalistique de voir en cette trace, une nature issue de l’intention criminelle.
Cependant la trace n’est utile que si son origine est unique. L’identification d’un criminel à partir d’elle, n’est possible que grâce à l’unicité de l’origine de la trace. La matrice dont est issue la trace doit être unique pour pouvoir être pertinente.

« Tout objet de notre univers est unique. Deux objets d’origine commune peuvent être comparés et une individualisation prononcée si ces objets sont d’une qualité suffisante permettant l’observation de l’individualité »

C’est en 1963 que Kirk énonce ce principe, qui est le deuxième principe qui confère à la criminalistique une partie de sa nature. La criminalistique est une science de l’individualisation selon Kirk. D’un point de vue purement scientifique, on s’accorde à dire que deux objets parfaitement identiques ne peuvent occuper « le même espace dans le même temps ».
Deux objets ne sont jamais réellement identiques et les traces qu’ils peuvent potentiellement laisser ne le sont pas non plus. Bien qu’ayant une forme purement scientifique, le principe de Kirk reste un outil d’approche probabiliste, car il prend une forme hypothético-déductive quant au travail du spécialiste en criminalistique, qui devra déterminer le maximum d’hypothèse concernant la source de la trace, sans être sûr d’avoir imaginé l’ensemble des hypothèses possibles.

Nous pouvons constater la dimension empirique de ces deux principes, de prime abord purement scientifiques, mais qui sont en fait emprunt de philosophie.
Ce qui est certain, c’est la pertinence de lier le principe de Locard et celui de Kirk pour aborder la criminalistique de façon cohérente et rationnelle.

Prenons l’exemple d’une semelle de chaussure. Est-il possible que deux semelles, portées par deux individus différents, puissent s’user de la même manière ? Est-il possible que l’analyse physico-chimique des résidus transportés par les semelles, elles-mêmes portées par deux individus différents, vivant dans deux espaces distincts, puissent conclure à la même origine ?
Dans cet exemple on voit l’intérêt des deux principes de base de la criminalistique. Le principe de Locard qui nous rappelle que : “les poussières et débris qui couvrent nos habits et nos corps, sont les témoins muets ,purs et fidèles de tous nos mouvements et de toutes nos rencontres” , et le principe de Kirk qui introduit l’unicité de la source de chaque trace.

Pour résumer, la criminalistique est une façon de raisonner. On peut y voir une dimension philosophique supérieure à sa dimension scientifique.
La criminalistique est la philosophie qui va employer la science pour parvenir à la manifestation de la vérité, mêlant déduction, interprétation et réalité scientifique.

La criminalistique n’est pas tout, mais en soit, tout est criminalistique.

« N’importe quel phénomène, pour pouvoir être entendu comme signe de quelque chose d’autre, et d’un certain point de vue, doit avant tout être perçu » Umberto ECO.

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