Le lien entre les deux affaires de disparition (3/3)

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Alors qu’il est en détention à la suite de sa mise en examen en septembre 2017 pour le meurtre de Maëlys, Nordalh Lelandais est extrait de sa cellule en décembre pour être de nouveau entendu, mais cette fois-ci sur l’affaire de la disparition d’Arthur Noyer. En effet, durant l’enquête sur la disparition de Maëlys, les enquêteurs en charge de l’affaire ont poursuivi leur travail d’investigation et sont parvenus à lier les deux affaires. D’un côté, la disparition d’un militaire de 23 ans ; de l’autre, celle d’une fillette de 8 ans… Comment les enquêteurs ont-ils pu faire le lien entre ces deux affaires qui, d’un point de vue de la victimologie, n’ont à priori rien à voir ?

C’est l’identification du véhicule qui a clairement permis aux enquêteurs de relier les affaires entre elles, cette fameuse Audi A3 grise qui était déjà recherchée dans le cadre de la disparition du jeune Arthur.

Les Gendarmes ont alors tenté d’établir le lien entre le jeune caporal et Nordahl Lelandais : une fois de plus, c’est l’exploitation de la téléphonie qui permet de confondre le suspect, puisque qu’après analyse ils s’apercevront que son téléphone a borné aux mêmes endroit et aux mêmes heures que celui d’Arthur la nuit de sa disparition. De plus, les deux téléphones ont cessé d’émettre au même créneau horaire
Le retour sur la vidéo-surveillance de la ville de Chambéry le soir de la disparition permettra d’identifier Nordahl Lelandais en train de “rôder” en centre-ville, à proximité immédiate de l’endroit où Arthur faisait la fête.

Nordahl Lelandais aperçu en centre-ville de Chambéry – image de vidéo-surveillance

Mis devant les images de vidéo-surveillance, les résultats de l’exploitation de sa téléphonie, il ne lâche rien… Mais alors qu’il est en garde à vue, les résultats des analyses sur un crâne retrouvé deux mois plus tôt sur un chemin de randonnée tombent : il s’agit du crâne d’Arthur. Confronté à cet élément, alors que l’on sait que son téléphone a borné à l’endroit où le crâne a été retrouvé, il affirme qu’il n’est pas impliqué dans le meurtre : certes il était bien à Chambéry ce soir-là, mais il n’a jamais pris Arthur en stop.

Devant ces preuves accablantes, Il est de nouveau placé en examen, mais cette-fois pour l’assassinat d’Arthur.

Nouvelles analyses sur le véhicule du suspect

Plusieurs mois après les premières recherches scientifiques sur le véhicule, l’IRCGN repasse la voiture au peigne fin : pendant plus de deux semaines, les gendarmes vont désosser l’Audi A3 en se focalisant particulièrement sur le coffre qui avait fait l’objet d’un très grand nettoyage. Et cela va se révéler payant : une microtrace de sang, retrouvée dans un interstice du coffre, va permettre d’établir une correspondance avec l’ADN de Maëlys.

“En 2000, il fallait une trace d’un demi-centimètre pour identifier une victime, aujourd’hui on peut le faire quand les traces ne sont pas visibles pour l’œil humain”, explique dans Le Parisien Patrick Touron, ancien directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).

Le sang, une trace riche
Contrairement à un simple ADN de contact qui peut être facilement altéré par la chaleur, les UV… le sang fait partie des fluides biologiques très “chargés”, très “riches” en ADN. Cela explique que même plusieurs mois après la commission des faits, cette micro-goutte de sang retrouvée dans le coffre a pu permettre d’établir clairement qu’il s’agissait du sang de Maëlys.

A partir de ce moment-là, Lelandais ne peut plus nier : il va indiquer aux Gendarmes où se trouve le corps de la fillette.

La découverte du corps de Maëlys… et les explications du meurtrier

Les Techniciens en Identification Criminelle de la Gendarmerie, à l’aide des chiens, vont retrouver des ossements ainsi qu’une robe blanche à l’endroit indiqué par Lelandais, un massif montagneux.

En Mars 2018, à l’occasion d’une nouvelle audition dans le bureau des juges d’instruction, il indiquera n’avoir porté qu’un seul coup à la fillette parce qu’elle “chouinait pour retourner au mariage”, un seul coup qui aurait donc entraîné sa mort, alors qu’elle était montée dans sa voiture pour qu’il l’amène voir ses deux chiens chez lui. Il change ensuite de version et évoque plusieurs coups, trois ou quatre…

Mais les conclusions des médecins légistes après l’autopsie sont sans appel : le squelette de la fillette présente une fracture du nez, une double fracture de la mâchoire, et ces seuls coups ne peuvent pas expliquer la mort de Maëlys. Aucun élément ne permet de dire que la fillette aurait été victime d’abus sexuels cette nuit-là ; en effet, le corps, ayant passé plus de 6 mois dehors, a été tellement dégradé que les experts travaillent uniquement sur les ossements.

L'analyse scientifique des ossements
Elle permet, pour les enquêteurs, d’obtenir plusieurs renseignements très précieux : une datation de la mort ou encore la présence éventuelle de coups qui auraient été portés. Par exemple, si l’os hyoïde (situé au niveau de la gorge) est retrouvé brisé, l’hypothèse d’une mort par strangulation peut être avancée.
Des analyses toxicologiques peuvent également être menées, et bien sûr des analyses ADN pour déterminer à qui appartiennent les ossements en question. Moins les ossements sont détériorés, et plus leur analyse sera précise. 

Ce n’est que lors d’une reconstitution organisée par les juges d’instruction que les enquêteurs se rendront compte de la violence dont Lelandais a fait preuve envers la fillette, lorsqu’il a mimé avec une grande intensité les coups qui ont été portés à son visage.

D’autres agressions…

Après des mois et des mois de travail sur l’ordinateur portable de Nordahl Lelandais, dont l’intégralité des données étaient cryptées, les experts du numérique de la Gendarmerie ont réussi à extraire du contenu pédopornographique de la mémoire de l’appareil. Parmi ces vidéos, deux d’entre elles attirent particulièrement l’attention des enquêteurs : des scènes sur lesquelles on voit Lelandais agresser sexuellement deux fillettes dans leur sommeil. Ces fillettes, ce sont ses petites cousines.
Ces agressions se sont déroulées une semaine seulement avant le meurtre de Maëlys…

Confronté à ces éléments accablants, peu après la découverte du corps de Maëlys, Nordahl Lelandais indiquera aux enquêteurs qu’il s’agissait simplement de “curiosité” envers les attributs sexuels des enfants et en particulier des petites filles.
Il sera donc également poursuivi pour ces agressions sexuelles et l’ombre d’un prédateur sexuel doublé d’un tueur en série commence à planer au-dessus de Nordahl Lelandais. Les enquêteurs tentent alors d’établir un lien entre Lelandais et pas moins d’une quarantaine de disparitions…

Quant à son implication dans la disparition d’Arthur Noyer, Nordahl Lelandais finira par concéder lors d’une audition en mars 2018 qu’il a bien pris le militaire en stop. Après plusieurs versions, il explique aux enquêteurs qu’une dispute aurait éclaté entre eux dans la voiture pour une histoire de vol de téléphone portable ; Lelandais explique qu’Arthur l’a frappé en premier, qu’il s’est défendu, et qu’il est décédé par accident sous ses coups. Une simple bagarre qui aurait mal tourné, en somme.
Il l’aurait ensuite chargé dans son Audi, et aurait abandonné son corps dans un fossé. Cette ultime version ne convainc personne, ni les enquêteurs, ni les juges : eux s’orientent davantage vers une autre piste, un rapport sexuel que le jeune caporal aurait refusé, mais Lelandais nie fermement.

Les procès

Le 3 mai 2021, Lelandais est jugé devant la cour d’assises de Chambéry pour le meurtre d’Arthur Noyer. Il ne fait preuve d’aucune compassion et n’exprime pas de remords quant à ses agissements… L’avocate générale requiert 30 ans de réclusion pour le meurtre du caporal ; il est finalement condamné à 20 ans de prison pour homicide volontaire.

S’ensuit un second procès qui s’ouvre le 31 janvier 2022 à Grenoble, pour l’enlèvement, la séquestration et le meurtre de Maëlys. Rien ne prouve qu’il a violé Maëlys avant le meurtre, et Lelandais continue de nier ses accusations de viol. L’avocat général requiert la peine maximale, à savoir la réclusion à perpétuité assortie de 22 ans de période de sûreté, ce à quoi il sera finalement condamné.

Nordahl Lelandais ne fera appel d’aucune condamnation, et le doute plane toujours sur son implication dans d’autres cas de disparitions…

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