Nouvel ouvrage à ne pas manquer : « le petit peuple des cadavres – chroniques sauvages »

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Découvrez Le petit peuple des cadavres par Damien CHARABIDZÉ aux éditions « Tana éditions » – mai 2025

Un livre passionnant et accessible évoquant l’entomologie

Je suis policier scientifique depuis des années et lorsque l’on m’a proposé la lecture de ce livre, je me suis dit pourquoi pas puisque c’est une thématique courante dans la gestion des scènes de crime. Avec sa couverture dessinée et colorée je m’attendais plus à un manuel du parfait entomologiste pour finalement tomber sur une petite pépite.

Mais avant de me lancer, revenons sur ce qu’est l’entomologie médico-légale. Pas de grands discours mais plutôt du vécu, mon vécu. Car oui, quand on rentre dans le milieu des experts nous pouvons être amenés à prélever des mouches, asticots et pupes afin de les transmettre aux gendarmes qui pourront les analyser à différentes étapes de développement permettant d’indiquer à quel moment la personne est décédée.

Lors de conférences, quand j’aborde ce sujet, je rends toujours hommage à mes collègues féminines (avec qui j’étais en binôme) qui n’hésitaient jamais à prélever toute cette faune malgré les conditions difficiles (je restais en retrait pour… superviser dira-t-on), puis arriva une affaire où, avec mon collègue Joël, nous avons eu à nous déplacer. Là c’est à « chifoumi » que l’on a désigné qui allait se coller aux prélèvements des insectes.

Après lecture de ce livre, je me rends compte que j’aurai pu montrer plus d’intérêt à toute cette faune qui peut se développer selon le lieu, la saison et les circonstances du décès pour donner des informations cruciales aux services enquêteurs.

Je vous parlais d’une petite pépite pour « le petit peuple des cadavres- chroniques sauvages » car j’ai été très agréablement surpris par le contenu du livre. On découvre déjà Damien CHARABIDZE, un professeur de biologie à l’université de Lille qui nous plonge dans sa carrière, de ses débuts hésitants à un savoir-faire rare.

En plus de découvrir cette véritable science en perpétuelle évolution, l’auteur nous illustre l’entomologie médico-légale en vulgarisant sa discipline de manière à rendre la lecture de l’ouvrage très plaisante, instructive et accessible au grand public (et un incontournable pour tous les futurs policiers scientifiques). Enfin, On ne boudera pas les notes d’humour (et il en faut dans nos métiers) qui font de ce livre un indispensable dans votre bibliothèque !

L’interview de l’auteur Damien CHARABIDZÉ

– Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis biologiste de formation, et plus précisément entomologiste, donc spécialiste des insectes. Et comme il y a bien trop d’insectes pour tous les connaître, je suis spécialiste des insectes nécrophages, ceux qui se développent sur les cadavres. J’ai commencé par étudier ces petites bêtes et suis ensuite devenu expert judiciaire en entomologie médico-légale. J’ai travaillé sur de nombreuses découvertes de corps pour prélever et analyser les insectes et en extraire le maximum d’informations utiles à l’enquête. Par la suite, j’ai fait évoluer mes thématiques pour travailler plus globalement sur la thanatomorphose, la décomposition des corps. Cette question dépasse les sciences criminelles, puisqu’elle touche également à nos pratiques funéraires.

– Comment est né l’envie d’écrire ce livre?

J’y pensais depuis un moment car on me pose souvent des questions : ce sujet intéresse les gens. C’est finalement ma collègue Audrey Dussutour, une chercheuse passionnée et passionnante, qui  m’a proposé d’écrire un ouvrage pour sa collection Chroniques sauvages publiée chez Tana éditions. Sa demande était de présenter mon métier, les aspects judiciaires mais aussi les connaissances que l’on a sur la vie de ces insectes méconnus. L’idée de pouvoir partager à la fois mon activité de recherche et les principes et enjeux de l’expertise entomologique m’a immédiatement plu.

– Quel est l’avenir de cette science? et notamment en matière de médecine légale?

Je pense que l’avenir de l’entomologie médico-légale est à la fois assuré et limité. Comme le dirait Hunter S. Thompson,

c’est une science “trop bizarre pour vivre, trop rare pour mourir“.

Son avenir est assuré car c’est une discipline importante, la seule à pouvoir dater la mort dans une part importante des cas. On a besoin de conserver ce savoir-faire, de pouvoir le mobiliser sur certaines enquêtes. Il est indispensable et ne pourra pas être remplacé par d’autres solutions ou par une IA.

Et d’un autre côté c’est une discipline “à l’ancienne” : il faut faire des prélèvements et des élevages d’insectes, des calculs à la main, il y a également toute une part d’interprétation. Tout ça nécessite de se former, de se spécialiser, d’y passer du temps. Il n’est donc pas possible de faire une expertise entomologique sans être spécialiste, mais pas non plus faisable de réaliser ces analyses de manière systématique, en routine, comme on le fait pour la toxicologie par exemple. C’est donc forcément un usage limité.

D’ailleurs, en France, depuis que j’ai dû cesser mon activité d’expert en 2020 (j’étais avant rattaché à l’institut médico-légal de Lille), le seul laboratoire d’expertise encore compétent dans ce domaine est celui de l’IRCGN à Pontoise.

– Quels arguments auriez-vous pour motiver des futurs policiers scientifiques à s’intéresser à ce domaine?

Lors de la découverte d’un corps, la datation du décès est un enjeu fondamental pour l’enquête. Si le décès remonte à quelques heures, au plus quelques jours, c’est le médecin légiste qui va pouvoir estimer le moment de la mort. Mais dès que le corps commence à se décomposer, les insectes deviennent la seule méthode fiable de datation. Il faut dès lors solliciter un entomologiste : c’est donc une expertise qui revient très souvent.
Pour pouvoir la réaliser, il faut effectuer des prélèvements sur site, les conditionner puis les transmettre rapidement au labo. Tout ça nécessite un minimum de formation, ou au minimum d’information.

La formulation des missions dans la réquisition est également bien plus précise et intéressante lorsqu’il y a une compréhension de l’analyse, et même un échange entre l’OPJ et l’expert. Par exemple, on ne peut pas forcément déduire des insectes un scénario d’évènements post-mortem, mais on peut en revanche vérifier la compatibilité entre les insectes trouvés et ce scénario… si tant est qu’on en ai connaissance !

Un article de Norbert Fleury pour @www.police-scientifique.com, tous droits réservés

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