Attentats : L’incroyable travail de la Police Scientifique

Près de 180 policiers scientifiques ont été dépêchés le soir des attentats pour analyser les six scènes de crimes et identifier les victimes. Fondamentale pour l'enquête, cette mission est psychologiquement éprouvante pour ces "experts".

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La police scientifique cherche des éléments près du bâtiment à Saint Denis pris d'assaut le 18 novembre 2015 afp.com/ERIC FEFERBERG

Six scènes de crimes cauchemardesques, 130 victimes à identifier, les cadavres en charpie des kamikazes, des centaines de projectiles de kalachnikov, des dizaines de perquisitions: depuis les attentats de Paris, la police scientifique travaille sans relâche pour abattre une tâche aussi immense que déterminante.

“Lorsque les terroristes passeront devant la justice, on aura oublié l’émotion du 13 novembre, les mares de sang et les hurlements, on jugera une procédure. Aujourd’hui, cela paraît secondaire mais c’est la solidité des investigations techniques qui fera foi”, explique le directeur de l’Institut national de police scientifique (INPS) Frédéric Dupuch.

L’INPS, chargé des analyses en laboratoire, a déjà traité en une semaine près de 2000 prélèvements, soit autant que pour toute l’enquête sur les précédents attentats, contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. “Et c’est loin d’être fini”, estime-t-il.

“Absorber l’horreur pour figer la scène”

Quand éclatent à Paris, le 13 novembre, les pires attentats jamais commis en France, tous les “experts” de la police nationale se bousculent pour travailler. “On savait que plus on irait vite pour traiter cette volumétrie hors norme de prélèvements, plus vite on aiderait les enquêteurs”, raconte un agent scientifique, sous couvert d’anonymat. Au siège de l’Identité judiciaire à la PJ parisienne, le rappel général au service des 180 membres du personnels est lancé. “Il a fallu calmer les bonnes volontés et organiser des relèves pour être sur le pont H24”, explique un responsable du service.
Lorsqu’il arrive avec une petite dizaine de collègues devant le Bataclan, où près de 90 personnes ont été tuées méthodiquement par des djihadistes kamikazes, il attend que les forces d’intervention sécurisent la salle de spectacle et que les secours soignent les blessés. “On trépigne sur le trottoir puis on enfile notre combinaison blanche isolante, nos deux paires de gants en latex, nos sur-chaussures et notre charlotte. Ce rituel, qui vise à ne pas polluer la scène de crime, nous permet de rentrer dans notre bulle”, explique-t-il.

A l’intérieur, pataugeant dans le sang, il leur faut “absorber le choc, l’horreur pour figer la scène et dérouler comme sur n’importe quelle scène de crime le protocole, car la moindre trace peut être déterminante”, raconte ce responsable. “Tu ne sens plus l’odeur de sang et de fumée, tu ne vois plus l’horreur, tu vois ce qu’il reste à faire”: quadriller le Bataclan avec des rubans rouge et blanc de la police, se répartir le travail et tout photographier.

“Des dizaines de corps enchevêtrés”

Pourtant, ce sont bien des images d’horreur qui ont gravé sa rétine. “Des dizaines de corps enchevêtrés d’une jeunesse fauchée. Certains ne présentent pas de blessure apparente et lorsqu’on les bouge, c’est tout un pan de visage qui manque”, se souvient-il, la voix fatiguée. Chaque équipe d’experts est penchée sur son carré, discutant à voix basse des prélèvements et photos à faire. “Les murmures des enquêteurs ne sont troublés que par le bruit déchirant des sonneries de dizaines de portables” des victimes.

“Nous mettons un point d’honneur à manipuler les corps avec douceur. Nous ne cessons pas d’être des humains”, assure-t-il. “C’est un peu notre façon de leur rendre hommage, notre bougie allumée place de la République”. Ce sont les scènes de fusillade sur des bars et restaurants qui ont été les plus pénibles, “parce qu’on reconstitue dans notre tête le déchaînement de violence”, explique un technicien du laboratoire d’Ecully (Rhône).

Un accompagnement psychologique

Absorbés par leur travail, ils en perdent la notion du temps, tout comme leurs collègues en laboratoire chargés de faire parler les étuis de cartouche, téléphones, passeports et voitures saisis “pour retrouver les complices et éradiquer le mal au plus vite”.

“On est encore dans l’adrénaline de l’action. Après, quand le calme reviendra, il faudra accompagner ceux qui sont allés sur des scènes de crime effroyables”, estime Frédéric Dupuch. Après les attentats de janvier, des groupes de parole avaient permis aux agents de la Police technique et scientifique (PTS) parisienne d’encaisser collectivement le choc.

C’est notamment le travail des experts qui a conduit mercredi les enquêteurs dans un appartement de Saint-Denis, où se trouvait un organisateur présumé des attentats. “Assister aux tirs nourris de fusils d’assaut lors d’une perquisition, puis ramasser les étuis de balles par centaines, c’est le moment où j’ai compris l’ampleur de la menace”, souffle l’un des techniciens, encore “sonné”.

Source :  AFP

 

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