Des cheveux qui en disent long

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Gilles St-Jean et Michelle Chartrand développent une technique permettant de savoir, à deux semaines près, dans quelle région se trouvait une personne. ETIENNE RANGER, LEDROIT

La science vient une fois de plus renforcer les techniques d’enquête des policiers aux prises avec des crimes non résolus. Après l’analyse des empreintes digitales, à la fin du xixe siècle, et de l’ADN, au xxe, une étude de l’Université d’Ottawa portant sur les isotopes présents sur les cheveux révèle aujourd’hui de précieuses informations sur l’emplacement géographique d’une victime ou d’un suspect, à deux semaines près.

Les chercheurs Gilles St-Jean et Michelle Chartrand développent depuis quatre ans une technique permettant de lier des isotopes stables d’hydrogène et d’oxygène retenus par les cheveux à un endroit géographique précis.

Eau et isotopes

« L’eau que l’on boit, indique M. St-Jean, contient des éléments différents selon la région où l’on se trouve. Dans les environs de Chelsea, par exemple, on retrouve certaines quantités d’uranium dans l’eau. Cet uranium – et c’est ce que nous voulons démontrer prochainement – est visible dans les cheveux des gens qui cuisinent et boivent cette eau. »

Dans chaque région, l’eau contient des éléments différents. Les chercheurs espèrent dresser une carte du Canada, selon la constitution de l’eau et le type de pollens présents dans l’air. Le croisement de ces données avec la géographie établit de façon très nette où s’est trouvé l’individu en question, avant le crime.

Mme Chartrand a franchi avec son assistant de recherche Jonathan Mayo plus de 44 000 kilomètres (l’équivalent la circonférence de la Terre) en quatre ans, partout au Canada, afin de cueillir des échantillons de pollen, de terre et d’eau.

« Un centimètre de cheveu, c’est un mois de vie. Aujourd’hui, notre résolution s’est améliorée à un demi-centimètre, soit deux semaines », explique M. St-Jean.

C’est ainsi qu’il est possible d’établir le chemin qu’a parcouru une victime avant sa mort, ou un suspect, dans le cas où ses cheveux sont découverts sur les lieux du crime. L’échantillon passe sous le microscope électronique, révélant sa vie cachée. « On voit ça dans la série télé CSI, mais ça ne leur prend qu’une heure. En réalité, ça nous prend des semaines », raconte le chercheur.

Les recherches sont à ce point poussées qu’il est dorénavant possible de faire la différence entre un amateur de viande, un végétarien et un végétalien (quelqu’un qui ne consomme aucun produit animal, comme le lait ou les oeufs). « On a beau manger le même type de viande de boeuf ici et en Europe, complète M. St-Jean, les animaux, là-bas, n’ont pas le même environnement et la même source d’alimentation. La quantité d’azote nous renseigne sur la diète, et l’hydrogène, sur l’eau consommée. »

Une preuve solide

Selon le scientifique, cette preuve « peut tenir en cour ». Les recherches sur l’ADN servent encore pendant les enquêtes et les procès, mais peuvent atteindre leurs limites puisqu’il est nécessaire de comparer les données avec une banque d’échantillons déjà existante. « Le cheveu répond aux questions : ‘Est-ce que cette personne vient d’ici ? Où se trouvait-elle auparavant ?’ Ce sont des indices considérables pour les enquêteurs. »

Ce projet viendra à terme dans un an et demi. En appliquant les mêmes découvertes, indiquent les chercheurs, il devient possible de déterminer l’origine d’un sac de cocaïne ou encore l’origine exacte d’une bouteille d’alcool… ou d’un fromage.

Source : www.cyberpresse.ca

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