3- L’identification des victimes de la catastrophe du bazar de la charité

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Illustration tirée du Supplément littéraire illustré du Petit Parisien du 16 mai 1897.

De nombreux blessés sont ramenés chez eux ou transférés vers les hôpitaux. Malgré les soins prodigués pour certains, les brûlures sont malheureusement trop profondes, pour d’autres c’est juste quelques contusions.

Quant aux victimes décédées, elles sont sorties des décombres  et transportées au palais de l’industrie, bâtiment en cours de démolition ayant servi dans le cadre de l’exposition universelle.

Archives de la prefecture de police de Paris (BA1313) – Télégramme du Commissaire Prélat au Préfet de police du 12 juin 1897 – www.police-scientifique.com tous droits réservés

Anciennement situé aux bas des Champs-Elysées, cette structure en bois dépourvue d’électricité devient le point de convergence de bien des familles éplorées à la recherche de leurs proches disparus.

Illustration tirée du Supplément littéraire illustré du Petit Parisien du 16 mai 1897.

A l’intérieur, le préfet de Police et le ministre de l’Intérieur placent plusieurs policiers chargés d’ accueillir les proches des victimes pour les aider à identifier des objets personnels et les corps exposés avec leurs biens.

L’identification systématique des victimes de l’incendie

C’est sur des petites fiches cartonnées que sont inscrits minutieusement à la plume,  les détails des corrélations identitaires. On ne peut là que reconnaître les prémices de l’identification des victimes de catastrophe qui sera mis en place dans les années 1990 (voir notre dossier les spécialités)

Une bague, un mouchoir, une chaussure sont autant d’éléments permettant de reconnaître l’être cher disparu la veille. De nombreux maris viennent avec leurs servantes qui elles connaissent bien mieux les effets de leurs maîtresses. 

Mais les corps sont tellement abîmés par l’effet de la chaleur que parfois seul un élastique de bas ou un coton entourant un doigt de pied blessé, permettent d’indiquer que c’est bien la personne recherchée.

Terrible déambulation pour ces familles meurtries que d’avoir à examiner de prêt ces 125 corps carbonisés, tordus et informes, exposés sur des planches. Dépourvu d’électricité, le bâtiment est éclairé par des torches et un brasero. L’air y est étouffant entre la fumée dégagée, les odeurs de pétrole et de chair brûlée.

Des gardiens de la Paix sont même présents pour éviter le vol d’objets de valeur par des pickpockets infiltrés.

Dès qu’un corps est formellement reconnu par les proches, un greffier fait signer une déclaration et note l’identité de la victime identifiée. Un permis d’emporter le corps est alors délivré. Les employés des pompes funèbres préparent le corps ensuite pour qu’il puisse être rendu aux familles.

Mais bien vite les méthodes traditionnelles d’identification se heurtent à une difficulté. Comment redonner une identité à un corps carbonisé et dépourvu du moindre objet personnel sur lui ?

C’est là que va être proposé le recours à une nouvelle méthodologie, jamais appliquée jusqu’à alors en France dans ce cadre-là: la reconnaissance par le schéma et les soins dentaires reçus par ces victimes haut placées.

Pour la Duchesse d’Alençon, est appelé son praticien le Docteur DAVENPORT. Arrivé sur place, il se retrouve face à une quarantaine de corps quasi carbonisés. Il va devoir examiner chaque bouche de chaque personne malgré l’environnement compliqué entre les odeurs, l’état des corps et cet éclairage déplorable.  

Chaque travail effectué sur les dents en ante-mortem, est important : l’obturation au ciment d’une dent, son absence, sa perte ou une dent sur pivot, voir une prothèse en or peuvent être déterminantes. 

L’intérêt du Docteur DAVENPORT va se focaliser sur un des derniers corps exposé dont il ne reste que le tronc et la tête. Ayant eu auparavant en consultation la Duchesse d’Alençon près de 17 fois en deux ans, ce professionnel dentaire a pu établir des fiches recensant les particularités les plus importantes de la bouche et des organes dentaires. 

C’est ainsi qu’il va pouvoir reconnaître sans l’ombre d’un doute, son travail dans la bouche de cette malheureuse. Ses conclusions sont consignées dans un procès verbal et c’est sur une déclaration sous serment auprès du magistrat instructeur, qu’est délivré le permis d’inhumer. 

C’est ainsi que la Duchesse d’Alençon, et plusieurs autres compagnes d’infortune seront formellement identifiée par leurs praticiens respectifs. 

Les jours suivants ce drame, verront le tout Paris en deuil. Des convois funéraires sillonneront la capitale et une messe solennelle sera donnée à Notre-dame de Paris avec la présence de Félix Faure, le Président de la République.

Suivra un procès retentissant pour connaître la responsabilité et le rôle de chacun.

Une polémique sur le peu d’hommes disparus dans la catastrophe laissera penser que ceux-ci se sont enfuis et parfois par la violence envers des femmes et des enfants pour s’extraire de la fournaise. La presse des faits divers, relaiera cet épisode à grand renfort de tirage.

Au total sur plus d’un millier de personnes présentes, c’est 125 morts et 250 blessés qui seront dénombrés. Pourtant, quelques restes humains ne seront pas identifiés.

Ceux-ci seront déposés au cimetière du Père Lachaise dans un monument, érigé par la ville de Paris, portant la mention « aux victimes non reconnues de l’incendie du bazar de la charité ».

© Un dossier de Norbert Fleury pour le site www.police-scientifique.com tous droits réservés

Tombe bazar – © www.police-scientifique.com, tous droits réservés
Focus sur l'association du « Mémorial du bazar de la charité»
L’ association « Mémorial du bazar de la charité », est située à l’emplacement même du Bazar, où elle a fait édifier un édifice religieux « notre Dame de consolation » dès les années 1900. Constituée de descendants de victimes, cette association présidée par Madame Nelly du Cray, a pour but d’entretenir les bâtiments qui lui appartienne et de perpétuer la mémoire des victimes par diverses actions comme des visites conférences. Pour Madame du Cray, cet investissement est un véritable devoir de mémoire étant l’arrière arrière petite fille de la comtesse Haward de la Blotterie qui décédera dans cette tragédie. Ce drame l’a fortement marqué étant proche de sa grand-mère qui a vécu le drame en perdant son aïeule. Agir pour la transmission de cette histoire était donc, une évidence. L’association perpétue la mémoire de cet événement, de ses victimes, et notamment en répertoriant les descendants. Il y en aurait 30 000 sur les 125 victimes de l’incendie de 1897 ! Un travail long et fastidieux pour les localiser, les informer et les sensibiliser. Encore tout récemment une descendante à découvert que son ancêtre était décédé au bazar et cela a changé l’histoire de sa famille. Ce travail permet aussi de ne pas oublier les victimes qui elles, n’ont pas eu de descendance. De même pour les personnes les plus modestes, les nécessiteux aussi qui étaient venus chercher de l’aide et ont péri. Pour ceux-là l’association s’informe de la localisation de leurs tombes pour éviter la reprise des sépultures et l’oubli complet que cela engendrerait. Pour aller plus loin: le site : www.bazardelacharite.fr
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