Omar m’a tuer – la levée de corps

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Lors d’une enquête décès, la levée de corps et l’autopsie sont deux points clés de la réussite de l’affaire. Dans le cas de l’affaire Omar Raddad, ces deux analyses seront soumises à controverses et fragiliseront le dossier.

Examen de corps

L’examen de corps est réalisé par le docteur Page le soir même de la découverte du corps. Le docteur expose ses conclusions dans un rapport daté du 20 juillet :

Affaire Omar m'a tuer découverte du corps
La cave, lieu de découverte du corps

« Les pieds sont nus, [] les cheveux sont imprégnés d’une grande quantité de sang coagulé, les deux mains sont ensanglantés, la main gauche est mutilée (la première phalange du majeur est en partie écrasée et presque détachée du doigt). Au niveau du membre inférieur gauche, on note que les orteils sont le siège d’éraflures superficielles []. Au niveau du membre inférieur droit, multiples éraflures à la base du gros orteil, le dos de pied est également le siège de multiples ecchymoses et éraflures [] A première vue une dizaine d’orifices provoqués par une arme blanche. Un égorgement double (deux coupures très importantes qui n’atteignent pas les gros vaisseaux du cou). La rigidité du cadavre est complète, les lividités sont ventrales. Les yeux sont clairs et les pupilles en mydriase bilatérale. Le décès remonte à plus de six heures. »

Ces premières données permettent d’apporter des conclusions mais elles sont clairement incomplètes. Les conclusions du docteur Page donnent quelques indications :

1) La victime a été frappée à plusieurs reprises avec une arme blanche ;

2) Des éraflures présentes sur les orteils et les genoux de la victime montrent que celle-ci a été trainée au sol ou s’est traînée au sol ;

3) La main gauche est mutilée (conséquence d’un geste d’autodéfense ?) ;

4) La rigidité du cadavre est complète. On estime que la rigidité est complète à partir de la 8ème heure et jusqu’à maximum la 36ème heure après le décès. Il s’agit d’une fourchette indicative car de nombreux paramètres entrent en jeu : musculature plus ou moins importante du sujet, température extérieure (une température plus élevée accélère la rigidité), l’activité musculaire de la victime avant sa mort et les causes de la mort (variations observées en cas de décès toxiques, de morts précédées de stress intense, d’hémorragies massives et de décès asphyxiques notamment). Dans tous les cas de décès, la rigidité ne peut pas être quantifiée précisément et donner à elle seule l’heure du décès. Dans le cas du décès de Mme Marchal la rigidité indique que la mort remonte à plus de 8h00 et à moins de 36h00 ;

5) Les yeux sont clairs et les pupilles en mydriase bilatérale (pupilles dilatées, signe de souffrances graves ou de mort cérébrale). Le docteur Ménard lorsqu’il témoigne au procès explique que la clarté des yeux peut durer plus de 24h, en fonction de certains facteurs comme la position de la victime. Le docteur Macario indique au procès qu’il ne connait pas de traité ayant étudié la durée de la continuité de la clarté des yeux, car il est impossible de prendre en compte tous les paramètres. Il est troublant de constater que les médecins légistes utilisent ce paramètre peu fiable, qui dépend de nombreux paramètres, d’autant plus qu’aucune étude scientifique n’existe sur ce sujet ;

6) Les lividités sont ventrales et Ghislaine Marchal est retrouvée allongée sur le ventre ce qui montre que le corps n’a pas été retourné après qu’un délai de 15h00 se soit écoulé. Si Ghislaine Marchal est morte le dimanche à 12h30, le corps n’a pas été retourné après 3h30 le lundi matin. Si Ghislaine Marchal est morte le lundi dans la matinée on ne peut rien en conclure.

Pour déterminer avec précision l’heure de la mort, la donnée la plus importante est la température interne du cadavre (prise avec un thermomètre électronique à thermocouple) couplée à la température ambiante. Cette donnée est très certainement la moins mauvaise pour estimer l’heure de la mort, surtout dans les premières 24h suivant le décès. Dans l’examen de corps du médecin légiste, les températures n’ont pas été relevées.
Une autre indication, primordiale mais absente du rapport, est la mobilité des lividités. En effet, celles-ci demeurent mobiles jusqu’à environ 8-15h post mortem (une pression sur la peau permet d’observer l’éventuelle mobilité).

Les données objectives, de médecine légale permettent d’estimer un délai post mortem de plus de 8h00. Les données recueillies sur la levée de corps ne sont pas assez précises et ne permettent pas d’apporter d’autres conclusions. Toutefois, les données d’enquête (personnalité de la victime, rendez-vous de la victime, heure des appels téléphoniques et conversations téléphoniques) donnent un intervalle beaucoup plus précis. Le fait que Ghislaine Marchal était attendue le dimanche 23 juin à 13h00 et qu’elle n’ait plus donné de nouvelles à partir du dimanche 11h50 laisse supposer qu’il s’est produit un fait grave durant ce laps de temps.

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